La convention de développement au Brésil contemporain

Ce projet de recherche de Fabio Erber avait pour objectifs: I) Au niveau analytique, l'analyse économique a été combinée à des contributions d'autres sciences humaines - théorisant sur les "représentations et pratiques sociales" et la théorie de la rhétorique. II) Sur le plan empirique, il a été discuté de la question de savoir si, au Brésil, dans les années 1990 et 2000, il existait un "accord de développement" dominant tout au long de la période. Comme il l'a présenté plus en détail, cette convention était divisée en représentations, identifiées par la théorie rhétorique, et en pratiques sociales, parmi lesquelles la recherche privilégiait les politiques économiques et les réformes institutionnelles. Cet article comporte deux sections: la première est "La Convention en tant qu’instrument d’analyse" et la seconde a étudié s'il était possible de dire qu'il aurait une "convention de développement dans le Brésil contemporain"

1. La Convention comme un  instrument d’analyse

La perception dont, dans des situations d’incertitude, les agents économiques font appel à un accord tacite pour coordonner leurs actions, monte, au moins, aux analyses de Keynes, (par exemple, le chapitre XIII de la Théorie Générale). Pour Keynes, une convention était une régularité qui avait origine dans les interactions sociales mais que se présentait aux agents sous une forme objective, réifié, en devant se reproduire identiquement dans l’avenir. Plus récemment, l’importance des conventions dans la théorie économique et dans les pratiques économiques (par exemple, dans les marchés financiers et du travail) a été amplifiée et approfondie à travers les analyses d’un groupe d’économistes français,  qui a établi un programme de recherche sur l’économie des conventions (voir Jagd, 2004 pour un sommaire). Comme remarque Orléan (1989, p.244), dans un des textes fondateurs de ce programme de recherche, “la légitimité des procédures conventionnelles naît de l’existence d’un problème spécifique de coordination, que pose au système social l’incertitude “… “La convention… désigne l’organisation sociale au travers de laquelle la communauté s’arme d’une référence commune, produit une représentation collective extériorisée qui fonde les anticipations individuelles… Ainsi, la caractéristique de la convention est-elle d’agir sur les interprétations des agents. Elle s’identifie à une représentation collective qui délimite a priori le champ des possibles “(p.265). Le programme de recherches du groupe – et de ce projet – cherche à “intégrer plus étroitement contraintes cognitives et contraintes de coordination” (ibid p. 269). 

Les éléments cognitifs qui composent une convention sont de  connaissances codifiées, théories économiques et politiques, par exemple, et des connaissances tacites, originaires de la culture de la société où la convention se structure, à exemple de mythes téléologiques comme la Terre Promise, comme j’ai discuté dans Erber (2002).

Si la convention est un “dispositif cognitif collectif” (Orléan, 1989, p. 266), alors on peut appliquer à son analyse le  traitement donné aux représentations sociales, procédure que, auquel je sache, n’a pas été faite.

Une des définitions le plus usé de “représentation sociale” la caractérise comme “une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, en ayant un objectif pratique et en concourant pour la construction d’une réalité commune à un ensemble social “(Jodelet, 1989, p.36).   L’abordage structurel des représentations sociales, développée principalement par des auteurs français, connus comme l’ “École du Midi” (voir Alves-Mazzoti, 2002) pour une révision, sur laquelle le texte à suivre est basé) propose que toute représentation est organisée autour d’un noyau central, que détermine sa signification et son organisation interne, et par un système périphérique qui rend opérante la représentation. 

Le noyau central (NC) est “déterminé par la nature de l’objet représenté, par le type de relations que le groupe maintient avec l’objet et par le système de valeurs et de normes sociales qui constituent le contexte idéologique du groupe” (Alves-Mazzotti,2002 p.6) et il joue trois fonctions essentielles: i) une fonction génératrice – il est l’élément par lequel se crée ou se transforme une représentation; ii) une fonction d´organisation – c’est lui qui détermine la nature des liaisons entre les éléments d’une représentation; et iii) une fonction stabilisatrice – les éléments du noyau sont ceux qui plus résistent au changement. 

Les autres éléments qui entrent dans la composition de la représentation, les éléments périphériques (EP), constituent la partie opératoire de la représentation, en jouant cinq fonctions dans le fonctionnement et dynamique des représentations: a) concrétisation de la NC dans des termes ancrés dans la réalité, immédiatement compréhensibles et transmissibles ; b) règlement, que consiste à l’adaptation de la représentation aux transformations du contexte, en intégrant des nouveaux éléments ou en modifiant autres en fonction de situations concrètes avec lesquelles le groupe est confronté, c) prescription de comportements: l’EP fonctionne comme des schémas organisés par le NC, en garantissant le fonctionnement instantané de la représentation comme une  grille de lecture d’une situation et, conséquentement, en guidant des prises de position; d) protéction du NC : l’ÉP est l’element central des méchanismes de défense qui protègent le significat central de le representation en absorbant les informations nouvelles qui peuvent mettre en quéstion le NC. Une transformation, même petite, du noyau central est préparé longuement dans la périphérie et  e) modulations individualisées : c’est l’EP qui permet l’adaptation de la représentation sociale aux conditions des sujets individuels. 

Les conventions sont un phénomène historique et socialement localisé,  qu’ont un cycle de vie ils – elles naissent, évoluent et meurent, dépassées par autres conventions. Orléan (op.cit., p.266/7) remarque que la convention est un dispositif cognitif qui fait prévaloir les attitudes “confirmationnistes” (comme l’avait déjà écrit Keynes dans la Théorie Générale), en conduisant à une routinisation des calculs et des prises décisions. La convention serait basée sur un “principe d’économie des ressources cognitives, au  sens où on ne cherche à produire de nouvelles connaissances que dans la mesure où ont été épuisées toutes les tentatives d’interprétations compatibles avec l’état antérieur du savoir”. En utilisant la théorie ci-dessus décrite des représentations sociales, les acteurs sociaux changent une convention quand le noyau central de cette convention est incompatible avec les nouvelles informations apparues entre ceux qui souscrivent la convention,  produites par l’environnement économique, social ou politique.

Les conventions sont souvent associées au paradigme  kuhnien (Orléan, op cit) mais l’analyse précédente les ramènent aux programmes de recherche de Lakatos (1970)  en partageant avec ceux derniers la même morphologie: un noyau central, composé par des éléments “non négociables”, axiomatiques, et un système périphérique  qui fonctionne comme une ceinture de protection. 

L’identification du noyau central et des éléments périphériques d’une convention exprimée par des connaissances codifiées sous la forme des discours et des documents techniques peut être faite en utilisant  les ressources de l’analyse rhétorique, développée par Perelman et Olbrechts-Tyteca (1996), en identifiant l’orateur et l’auditoire auquel se destine le discours, et en analysant les prémisses concernant au réel et le préférable et les arguments (procédures de liaison ou dissociation) utilisés.

Les conventions et les représentations sociales ne se réduisent pas à un dispositif cognitif: celui ci est constitué pour servir de guide à des pratiques sociales des agents qui souscrivent la convention. Cette guide contient soit des prescriptions soit des interdictions – de la convention on dégage une heuristique, un “ordre du jour”, positif et un autre négatif. Le noyau central établit quels sont les problèmes q’on doit résoudre et quels sont les problèmes q’on doit éviter, tandis que le système périphérique établit les solutions acceptables à ces problèmes.   

En dépendant de l’univers couvert para la convention ces pratiques sociales peuvent entamer décisions d’investissement, préparation et exécution de politiques, etc. Dans tous les cas, le dispositif cognitif et les pratiques sociales interagissent et vont se modifiant au long du temps. En conséquence, l’analyse des conventions exige l’étude des pratiques sociales qui d’elles s’écoulent et, idéalement, du processus d’interaction entre le projet cognitif et sa praxis.

La cohérence entre le dispositif cognitif et les pratiques sociales des agents qui souscrivent une convention n’est pas garantie a priori –elle doit être vérifié empiriquement. Telle cohérence peut-être définie comme la “force” de la convention et “l’affaiblissement” de la convention signale sa perte de légitimité et son dépérissement.

La pluralité d’agents implique dans la possibilité que, pour des mêmes problémes, coexistent des conventions conflictuelles. Néanmoins, dans une période donnée dans une certaine société, il y a une convention hégémonique entre les conventions conflictuelles qu’ont peut  identifier à travers l’importance économique et politiques des agents qui souscrivent cette convention, à travers la “force” de cette convention et de l’importance des pratiques sociales qui sont liées a la convention.

Au présent étage de la recherche, les remarques présentées au dessus sur les conventions ont un caractère nettement conjectural. Une part du projet vise, précisément, son approfondissement et vérification, y compris à travers l’étude d’une convention spécifique, la convention du développement, dans un contexte historique spécifique, le Brésil dans la période qui va du début des années quatre-vingt-dix jusqu’au présent.

2. La Convention du Développement au Brésil contemporain

La problématique du développement, entendu comme transformation structurelle, est caractérisée par l’incertitude. Dans ce contexte, la coordination d’acteurs, nécessaire pour que le processus de développement ait lieu, exige, comme discuté ci-dessus, une convention. 

Comme on sait, la codification des connaissances relatifs au développement des pays qui étaient insérés dans la division internationale du travail comme des fournisseurs des produits primaires gagne corps à partir du Second Après-Guerre,  au milieu de la Guerre Froide et du processus de décolonisation. L’hégémonie exercée dans l’Amérique Latine par la convention national-developmentaliste, codifiée et diffusée par la Commission pour l’Amérique Latine des Nations Unies (CEPAL), est aussi bien connue. Dans cette convention les priorités (le noyau central de la convention) étaient la croissance rapide, amenée par l’industrialisation et la direction du processus était attribuée à l’État, notamment le pouvoir Exécutif. Dans la région, le Brésil a représenté le cas le plus distingué et réussi de mise en détail des dispositifs cognitifs de cette convention aussi bien que de  sa mise en oeuvre (voir Castro, 1993).

Bien qu’au Brésil la convention national- developmentaliste s’aille maintenue vigoureuse jusqu’au début de l’années quatre-vingt et aille agonisé le reste de la décennie, dans le plan international une autre convention prennait forme à partir des années soixante-dix. Celle-ci partait de la critique aux résultats des pratiques national-developmentalistes, notamment l’inefficacité due au protectionnisme,  a la répression financière et, d’une forme générale, à l’intervention de l’État (voir, par exemple, Krueger (1974) et Shaw (1973)), mais elle allait au-delà de la critique, en présentant une codification de connaissances qui posait d’autres pratiques sociales.

La convention qui va se rendre hégémonique dans l’années quatre-vingt-dix est basée, à mon avis, sur un trépied analytique. Sommairement : en premier lieu, les contributions de l’économie néo-classique sur l’inefficacité des politiques d’état dans des contextes dans lesquels les agents possèdent des attentes rationnelles. Deuxièmement, et en résultant de l’application des axiomes de la théorie économique néo-classique à la politique, les apports des théories sur le choix public et leurs conclusions sur l’appropriation de l’État par des groupes d’intérêt et par la bureaucratie elle-même. En troisième lieu  la vision de la ‘”nouvelle économie institutionnelle”, inspirée aussi par l’économie néo-classique, que le développement était fonction de la prévalence d’institutions qu’à travers le marché (lui-même une institution), conduisent à l’innovation et à la réduction des coûts de transaction (voir Caporaso et Levine, 1999). Mutuellement solidaires, les conclusions d’une en renforçant celles des autres, les trois jambes du trépied trouvaient une expression téléologique dans la vision de la “fin de l’Histoire”, par laquelle le développement convenablement conduit prenait nécessairement la forme d’une société régie par le marché et avec un système politique de démocratie représentative (Fukuyama, 1989). 

Telle représentation de la dynamique de la société se traduisait dans un ensemble de recommandations de pratique sociale, un ordre du jour positif, à la première vue seulement de politique économique, mais qui contenait, sous-jacente, une profonde transformation des sociétés auxlesquelles elle était dirigé. Codifiées, symboliquement, dans un décalogue – le Consensus de Washington  -(Williamson,1990), ces recommandations originairement étaient destinées à l’Amérique Latine, mais rapidement elles ont été élargies pour le reste des pays en développement, sous le nom de “programmes d’ajustement structurel”, avec l’appui de la Banque Mondiale e du Fond Monétaire Intérnational. L’universalisme de la nouvelle convention est explicité par le même Williamson (1993 p.1334),  quand il affirme que le Consensus est “universel” et est partagé “par tous les économistes sérieux”.  

Ainsi, au Brésil, quand la convention national-developmentaliste est arrivée à son état agonisant, à la fin des années quatre-vingt, il y avait disponible une codification de connaissances qui pouvait servir de base à une nouvelle convention. Néanmoins, “history matters” et la nouvelle convention de développement devait être constituée à partir du contexte laissé dans le pays par l’ancienne convention.

Dans la seconde partie du présent projet, en ayant comme rideau de fond un approfondissement de la connaissance codée ci-dessus décrite1, j’envisage, en premier lieu, confirmer l’existence d’une nouvelle convention de développement prépondérant pendant la période qui va des années quatre-vingt-dix jusqu’au présent. 

La procédure d’identification de l’existence et de la continuité de cette convention sera faite à partir de deux types de documents qui explicitent la vision sur les problèmes et les solutions du développement brésilien, présentés par des acteurs sociaux significatifs. Un premier type de document est constitué par des discours prononcés par un “orateur” important dirigés à un auditoire “universel” (la société brésilienne) et qu’ont pour objectif présenter une vision de développement auquel la majorité de la population doit adhérer. Dans cette catégorie on détache les discours de mise en possession des Présidents de la République. Ces discours ont le poids du pouvoir de la charge, de la légitimité de l’élu et du symbolisme du renouvellement. Pour complément, on analysera des discours manifestement importants de campagne électorale (par exemple, la “Lettre aux Brésiliens” du candidat Lula dans 2002) et des documents d’institutions patronaux  et de travailleurs, qui sont aussi destinés à l’auditoire universel. Un second type de document sont ceux documents dirigés à un public plus restreint, bien qu’important du point de vue de décisions et dans la configuration de l’avis public, à exemple des Expositions de Raisons de mesures cruciales de politique économique (le Plan Real, par exemple) et justifications de changements institutionnels comme les réformes de la Constitution.

Ces deux types de documents seront soumis à une analyse rhétorique2 (Perelman et Olbrechts-Tyteca, 1996), en identifiant soit les prémisses concernant le réel et au préférable qui constituent le noyau central de la convention, soit les éléments périphériques de la convention  en analysant les arguments (procédures de liaison ou dissociation) utilisés pour gagner l’adhésion des auditoires et qu’elles sont les “ordres du jour”  positif et négatif qui apparaissent dans les discours et qui constituent le système d’opération de la convention.    

Je crois qu’à travers de ces procédures c’est possible de donner  solidité à la conjecture que pendant la période étudiée une nouvelle convention de développement prévaut, dont le noyau central est maintenu constant quoique son système périphérique change.

 Néanmoins, comme souligné avant, une convention est un instrument de guide pour les actions des acteurs sociaux. Ainsi, il est nécessaire d’associer à l’analyse du discours une discussion des pratiques sociales liées à la nouvelle convention. Pour ça, les principales lignes de réformes économiques et institutionnelles adoptées par les successifs gouvernements seront analysées pour

leur consistance avec la vision explicitée dans la convention de développement, notamment avec les prémisses de cette convention. Pour le mêmes raisons on identifiera les lacunes dans l’éxecution de la vision explicite de la convention –lignes d’action pour lesquelles on a cherché lê consensus dans la vision explicite mais qui n’on pás eté poursuivies comme pratiques sociales.  Ainsi, nous aurons, à la fin de l’analyse, une évaluation de la “force” de la convention de développement actuellement en vigueur. 

Finalement, il faut réitérer que la procédure même d’analyse de la convention de développement au Brésil à partir des années quatre-vingt-dix doit conduire à une révision de ce qui a été présenté comme la “première partie” du projet, c’est à dire la discussion du concept de convention et de ses liens avec des théories économiques, de représentation sociale et d’utilisation de l’analyse rhétorique.

Le résultat final du projet serra un livre, que, au présent, je suppose aura la même structure de l’exposé décrit au-dessous. Des deux parties avant décrites devront apparaître divers papiers indépendants et que, plus tard, pourront constituer des chapitres du livre. En principe, j’imagine que trois types d’articles pourront être produits. Le premier type aurait une nature plus analytique, en explorant, par exemple, les relations entre les théories sur des conventions et les représentations sociales ou le support mutuel établi entre les jambes du trépied de la nouvelle convention de développement. Le second type aurait une nature plus méthodologique, discutant, par exemple, l’utilisation de l’analyse rhétorique pour identifier le noyau central et le système périphérique des conventions. Le troisième type serait plus descriptif,  par exemple, la continuité/discontinuité dans les visions de développement présentées par les plusieurs Présidents de la République au Brésil. Néanmoins, dans le stage actuel de la recherche cette taxonomie est évidemment conjecturale.

Comme j’ai rémarqué en haut l’inspiration de cet projet parvient des théories sur les conventions developpées en France. Il est possible que les formes ici proposées pour traiter les conventions et l’étude de la convention du développment interéssent a certains chercheurs français. Un séjour en France comme chercheur associé nous donnerait la possibilité de travailler ensemble avec une synergie positive.